Victoire citoyenne : le groupe Alternatiba ANV Rhône obtient la mise en place d’un RLPi ambitieux sur la métropole Lyonnaise
Les groupes locaux d’Alternatiba, partout en France, se mobilisent pour faire avancer les politiques locales, pour promouvoir les alternatives, pour dénoncer les projets qui vont à l’encontre d’une transition écologique et sociale qui apparaît, jour après jour, de plus en plus urgente. Et chaque groupe local obtient des victoires qui font avancer le mouvement climat, préservent des écosystèmes, changent le quotidien des personnes du territoire – et font augmenter le rapport de force en notre faveur pour les luttes suivantes !
Zoom aujourd’hui sur le groupe Alternatiba ANV Rhône et le collectif Plein la vue qui ont obtenu en 2022 le vote d’un RLPi (Règlement Local de Publicité intercommunal) ambitieux. L’interdiction des panneaux lumineux et la dé-densification de la publicité dans l’espace public ont été votées !
Peux-tu présenter Alternatiba ANV Rhône en quelques mots et le contexte dans lequel vous évoluez ?
Alternatiba ANV Rhône existe depuis 8 ans, et s’est mobilisée durant toutes ces années sur différents sujets – en plus d’animer la base Climat à Lyon : l’AlternatiBar créé en 2016. La campagne historique d’Alternatiba ANV Rhône est celle sur la pollution de l’air, qui a obtenu plusieurs victoires, dont 2 majeures : l’abandon de l’A45 et de l’Anneau des Sciences (bouclage du périphérique Ouest), et ce grâce à des coalitions d’acteurs dans lesquelles Alternatiba ANV Rhône a été moteur. En 2018, Alternatiba ANV Rhône rejoint une coalition pour se lancer dans la campagne anti-pub qui a mené à la victoire décrite ci-dessous.
Pour le contexte politique : en 2015, lors de la création de la Métropole du Grand Lyon, ce sont les maires et conseillers municipaux qui siègent au conseil métropolitain, et ce sont eux qui prennent les décisions à l’échelle de la métropole. A l’époque, il s’agit plutôt d’adversaires politiques pour Alternatiba ANV Rhône : la majorité du conseil est un groupe social-démocrate (une “gauche macron-compatible”), la droite conservatrice est très représentée ; une poignée d’élu-es un peu plus éco-social est présente.
A partir de 2020, dans les 59 communes de la métropole de Lyon, on vote pour les municipales mais aussi pour des listes de conseiller·es métropolitain·es. Les résultats de ces élections ont permis de concrétiser cette victoire, que nous avons patiemment construite !
Quel a été l’évènement déclencheur de la campagne ?
Fin 2017, la métropole du Grand Lyon a annoncé la rédaction de son Règlement Local de Publicité intercommunal (RLPi). Ce document régit la place de la publicité dans l’espace public. Il doit nécessairement être plus contraignant que le code de l’environnement, qui fixe un cadre plus large.
A cette occasion, des citoyen·nes créent le collectif Plein La Vue, soutenu par plus de 30 organisations : Résistance à l’Agression Publicitaire, Zéro Déchet, les Amis de la Terre, la Ligue de Protection des Oiseaux, Alternatiba…Des soutiens qui permettent de visibiliser l’initiative ! Au lancement de la campagne, le contexte politique n’étant pas favorable à la vision de ce collectif, l’objectif était seulement d’obtenir l’interdiction des écrans numériques publicitaires, autour desquels restait un flou juridique. Finalement, nous avons pu viser des objectifs plus ambitieux au fur et à mesure de la campagne, et obtenir une révision complète du RLPi qui a impliqué une vraie dé-densification de la publicité dans l’espace public !
Quelle stratégie avez-vous adoptée ? L’avez-vous construite en amont ou construite au fil de l’eau ?
La stratégie a été élaborée au fur et à mesure avec des temps dédiés, et quelques ajustements avec les nouveaux éléments et victoires d’étapes.
Un outil qui nous a été très utile au cours de cette campagne est ce que l’on appelle la cartographie des acteurs : il s’agit de représenter sur deux axes les différents acteurs et interlocuteurs potentiels, en fonction de leur influence et de leur accord avec nous (voir carte ci-dessous). Cet exercice nous a permis de penser de manière différente et d’identifier quels angles pouvaient être intéressants à exploiter dans cette campagne.
Par exemple, nous nous sommes rendu·es compte que certaines mairies de communes aisées de la métropole pouvaient, de façon surprenante, être nos alliées. Elles se sont avérées sensibles au sujet de la publicité, non pas à cause de son impact écologique ou social, mais via son impact sur le cadre de vie des habitant·es.
Une fois cette cartographie réalisée, nous avons élaboré une stratégie. Bien que cette stratégie ait évolué en fonction du contexte au fur et à mesure de la campagne, on peut rétrospectivement identifier quatre phases principales :
- une première phase d’identification et de politisation du sujet. Il s’agissait de la première étape vers la victoire : passer d’un sujet technique à un sujet politique, pour créer le débat et faire exister ce sujet dans la sphère publique, ce qui permet de passer à l’étape suivante de radicalisation de la lutte.
- une seconde phase de construction de la lutte et d’élargissement progressif des cercles sensibilisés. D’abord nos militants, puis les sympathisants (public des marches climat), puis encore plus loin. En insistant sur l’aspect progressif de cet élargissement !
- une troisième phase, en 2020, pendant laquelle les élections municipales nous ont donné l’opportunité d’avoir une prise sur les débats, d’obtenir des engagements de la part des candidat·es, de faire parler du sujet.
- enfin la dernière phase : au vu des résultats des municipales, plutôt favorables, il s’agissait de maintenir la pression sur les nouveaux élu·es pour assurer la victoire, mais en étant moins confrontatifs qu’auparavant.
Décris-nous le déroulé de la campagne : étapes importantes, difficultés etc,…
La campagne a été lancée fin 2017, et la victoire obtenue en juin 2022, un travail de longue haleine ! Elle a été rythmée par différents évènements organisés par le Collectif Plein la Vue, Alternatiba et leurs partenaires, et marquée par plusieurs reports du vote du Règlement Local de Publicité intercommunal.
Le collectif Plein la Vue était soutenu par différentes organisations, qui avaient chacune sa spécificité et ses sympathisant·es, ce qui nous a permis de toucher un large public et de se répartir les rôles selon les atouts de chacun·e.
Plein la Vue (PLV) et Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP) travaillaient sur le fond, l’aspect technique, et le plaidoyer, pour porter un argumentaire et l’adapter aux différent·es interlocuteur·ices. Au début, Alternatiba ANV Rhône leur offrait un soutien logistique avec l’Alternatibar, et un soutien en communication sur les réseaux sociaux.
En 2018, Alternatiba ANV Rhône a pris davantage part à la campagne, en participant à l’organisation de marches et d’actions de collage ou de recouvrement de panneaux. En parallèle, PLV et RAP participaient aux réunions de concertations autour de l’élaboration du document, ce qui permettait d’articuler efficacement mobilisation et plaidoyer.
Un élément clef de la campagne est la consultation publique, organisée par PLV et l’Union des Comités d’Intérêts Locaux (UCIL) : en un mois, elle a reçu plus de 10 000 réponses grâce à la communication et à la mobilisation amont. Les résultats étaient formels : 97% des répondant·es étaient défavorables à l’installation d’écrans numériques publicitaires.
Grâce à la participation de PLV et RAP aux réunions de concertations, ce résultat a pu être présenté aux élu·es et les a forcé·es à réagir. Cette concertation a ensuite rendu plus légitimes les autres mobilisations et actions qui ont suivi : nous étions aussi les porte-voix des habitant·es !
Un des rôles d’Alternatiba ANV Rhône a aussi été de mettre en évidence le lien entre publicité et climat : via un slogan “La Pub tue le Climat” diffusé dans les marches, et de plus en plus largement.
Pour pouvoir ajuster notre stratégie et prévoir les prochains coups, nous étions constamment à la recherche d’informations auprès de journalistes, d’élu·es, d’agent·es métropolitain·es, … Cette collecte d’informations a été décisive tout au long de la campagne.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées, et comment les avez-vous surmontées/comment vous êtes-vous adaptés ?
La première difficulté était l’aspect technique de ce sujet : il était difficile de communiquer autour de l’élaboration d’un RLPi ! La première phase de pédagogie et politisation a donc été cruciale, pour passer d’un sujet technique à un sujet politique : nous sommes toutes et tous concerné·es par la publicité !
Mais lutter contre la publicité, c’est aussi se frotter à ses lobbys : le siège de JCDecaux, numéro un de la publicité dans le monde, se trouve à Lyon ! Nous étions face à une grosse opposition dotée de moyens conséquents. L’entreprise est présente partout en ville et cherche à diversifier ses implantations dans le paysage urbain, ce qui la rend parfois difficile à cibler.
De plus, JCDecaux finance des initiatives comme les Vélov’, les vélos en libre service de la Métropole, en échange d’emplacements publicitaires ; bannir la pub, ce serait donc aussi bannir les vélos ? Cette situation demande à trouver les bons arguments ! En réalité, dans les grosses métropoles, les recettes de la publicité représentent 1%, voire moins, du budget : il s’agit donc d’un choix politique de refuser ces accords avec les publicitaires. Malheureusement, dans de plus petites agglomérations, la part des recettes de la publicité peut être plus importante, et donc l’argumentaire moins facile à développer. En effet, les élu·es de plus petites collectivités pourraient préférer les rentrées d’argent générées par la publicité plutôt que la réduction de la place de cette dernière, même si cela se fait au détriment de notre cadre de vie et du climat, via des images formatées et sexistes, et via le gaspillage de ressources et d’énergie.
Quel a été l’élément déclencheur de la victoire ?
Je ne sais pas si on peut parler d’élément déclencheur, car il y a eu plusieurs temps forts, comme les deux procès en octobre 2019 et en juin 2020, ou encore les résultats des élections municipales et métropolitaines, qui nous permettaeint d’être davantage écouté·es. Avec le recul, la séquence la plus forte et décisive de cette campagne est probablement celle de février-mars 2019, où en 1 mois, on organise une consultation publique avec une forte participation, un cortège antipub lors de la marche Climat du 16 mars où nous étions près de 40 000 à Lyon, une action antipub en fin de cette marche, on participe à la réunion publique la semaine suivante où on dévoile les résultats de la concertation et l’organisation de l’action de recouvrement massif du 24 mars 2019, qui a donné lieu au procès ensuite.
À partir du moment où les élu·es nous étaient plus favorables, la lutte n’était pas complètement terminée mais s’annonçait bien plus facile. La dernière action, juste avant le second vote du RLPi en juin 2022, a permis de faire basculer un groupe d’élu·es et assurer la victoire finale. Les réglementations obtenues sont bien plus significatives que la seule interdiction des écrans numériques publicitaires revendiquée initialement :
- interdiction des écrans numériques publicitaires
- extinction des publicités de minuit à 6h du matin
- réduction du nombre de panneaux publicitaires et limitation de leur taille à 4m² maximum (contre 12m² aujourd’hui)
- interdiction des publicités lumineuses en toiture
- interdiction des publicités sur les bâches de chantier (échafaudages)
- protection autour des établissements scolaires (de la maternelle au lycée) sur le territoire
Ce qui a été déterminant, c’était surtout la répartition des compétences au sein de l’interorga, et la compréhension du fonctionnement des institutions locales, qui nous a permis de trouver les meilleurs angles d’attaque.
Et maintenant, quelle est la suite pour Alternatiba ANV Rhône ?
Nous allons suivre les dernières étapes de ce RLPi et veiller à ce que la mise en application soit effective et rapide. Nous allons aussi continuer à nous mobiliser sur la thématique de la publicité en nous investissant dans des initiatives régionales, nationales ou européennes. Gagner à Lyon mais perdre à Saint-Etienne n’aurait pas beaucoup de sens, sur ce sujet en tout cas !
En temps de crise énergétique, la lutte contre la publicité devient encore plus légitime tant l’incitation à la surconsommation (pour écouler la surproduction) est forte et les dispositifs publicitaires sont énergivores. Une mesure emblématique simple, qui permettrait une meilleure adhésion à d’autres mesures de sobriété, serait l’interdiction des écrans numériques publicitaires partout sur le territoire !
Aussi, toujours dans la séquence crise énergétique, nous allons développer un travail sur la rénovation thermique performante des logements, en premier lieu les passoires thermiques, car il n’est pas acceptable que 12 millions de personnes aient froid en France, en plus de payer des factures exorbitantes !
Pour en savoir plus :
Vous pouvez nous suivre sur les réseaux sociaux, lire notre communiqué de presse, ou vous renseigner sur le sujet en écoutant l’extrait de France 3 « Relaxe et déclaration de Bruno Bernard, président de la métropole » ou la vidéo de la table ronde « Quelle place pour la publicité dans le monde de demain » avec Eric Piolle (Maire de Grenoble), Marie Cousin (Présidente de l’association “Résistance à l’Agression Publicitaire”), Mehdi Khamassi (chercheur en neuroscience et sciences cognitives au cnrs) et Mariana Mirabile (économiste et militante d’Alternatiba).
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- 17 novembre 2022