Les temps forts du Village Mondial des Alternatives des 5 et 6 décembre à Montreuil
Pour l’ensemble des militants qui ont travaillé très dur à l’organisation de ce Village Mondial des Alternatives, c’est une véritable victoire de constater à quel point l’événement a été une réussite : des allées et des places noires de monde, des sourires sur tous les visages, des rencontres et des échanges particulièrement riches. Au moins 28.000 personnes ont ainsi pu découvrir des centaines d’alternatives au cours de ces deux journées, allant à la rencontre d’acteurs issus de très nombreux territoires différents, avec 20 pays représentés.
L’ambiance ressentie a permis de confirmer qu’un grand nombre de citoyens ont pris conscience des enjeux liés à la question du dérèglement climatique. Nous sommes nombreux de par le monde à revendiquer la nécessité de faire entrer nos sociétés dans la transition écologique. Les clameurs « CHANGEONS LE SYSTEME PAS LE CLIMAT ! », « PEOPLE POWER ! », « URGENCE CLIMATIQUE, JUSTICE SOCIALE ! » ont régulièrement retenti sur le VMA et ont été systématiquement reprises en cœur par les nombreux visiteurs.
Ce village des alternatives a ouvert ses portes samedi midi avec une « Street Parade » festive et colorée qui a rassemblé une foule importante. C’est donc une joyeuse déambulation revendicative qui a parcouru le VMA avec, entre autres, notre ami HK grimpé sur la quadruplette d’Alternatiba, des batucadas, des fanfares, du théâtre de rue, des compagnies artistiques aux multiples déguisements chamarrés.
Quelques échos sonores de cette parade :
Ensuite ont eu lieu des prises de parole sous le grand chapiteau Jean Jaurès : présentation de l’ensemble du Sommet pour le Climat de Montreuil (s’articulant autour des conférences-débats organisées par la Coalition Climat 21, du Village Mondial des Alternatives et du marché paysan de la Confédération Paysanne), intervention d’Ibrahim Dufriche (1er adjoint au Maire de Montreuil), discours des représentants de différents pays de la Via Campesina avec cérémonie « Mistica » (cérémonial de respect et de remerciement à la Terre Mère avec offrandes symboliques) et enfin chanson d’HK et les Saltimbanks « On lâche rien ! ».
À partir de ce moment, les visiteurs ont pu découvrir les différents quartiers thématiques du village permettant de rencontrer les exposants et de mieux appréhender les alternatives existantes et possibles : agriculture et alimentation (incluant le marché paysan de la Confédération Paysanne), climat et énergie, éducation, mobilité (avec aussi atelier réparation vélo), fabrication, récupération et zone zéro déchet, culture et médias, économie soutenable, partage du travail, emplois et finance responsable, biens communs, biodiversité et eau, consommation responsable, droits, solidarités et migrations, habitat.
D’autres articles à venir présenteront plus en détails ces espaces thématiques et les perspectives qu’ils offraient au public en termes d’alternatives concrètes, faciles à mettre en place et écologiquement responsables. En attendant… quelques paroles de visiteurs ! :
Parallèlement à ces quartiers, beaucoup de conférences, débats et animations ont rythmé la vie de ce village. S’est déroulée par exemple une formation à l’action non-violente organisée par le processus ANV-COP21 ; face à l’urgence et à la gravité du dérèglement climatique, les citoyens doivent mener des actions non-violentes fortes et déterminées. Ce processus veut contribuer à l’émergence d’un mouvement citoyen large, à la fois radical et populaire, pour relever le défi climatique. Cette formation pratique était ouverte à tous afin que nous soyons bientôt des milliers à mener des actions non-violentes et déterminées pour le climat !
Quelques impressions glanées à cette occasion :
Parmi les nombreux débats de cette première journée, une table ronde particulièrement intéressante organisée par Alternatiba : « Les alternatives et résistances au changement climatique : du local au global, construire un mouvement pour la justice climatique » (avec des représentants d’Alternatiba, d’ATTAC France et de Grassroots Global Justice Alliance). Les échanges ont permis de mettre en évidence les liens entre l’altermondialisme et les mouvements pour le climat. La portée des villages des alternatives, qui fleurissent un peu partout en France et en Europe, permet la convergence des réseaux, des associations et des citoyens qui se mobilisent pour la transition écologique de la société. Au-delà des objectifs d’alerte, d’information, de diffusion des alternatives, il s’agit bien de chercher à créer un mouvement beaucoup plus vaste pour sauver le climat. Comme le soulignait à nouveau Geneviève Azam (ATTAC France), nous n’avons malheureusement rien à attendre de la COP21 et ce sont les citoyens qui doivent se mobiliser, se réapproprier le pouvoir et imposer des démarches qui répondent aux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux.
La journée s’est ensuite achevée dans une ambiance festive avec une soirée de concerts où cinq groupes se sont succédés, permettant ainsi à chacun de se détendre, de danser, de chanter, ou… de poursuivre des discussions autour de la buvette Alternati-bar !
Le lendemain, démarrage de bon matin avec une table ronde très attendue : « Financer la transition sociale et écologique » (dans la salle de ce lieu atypique qu’est La Parole Errante). Des invités prestigieux étaient présents : Vandana Shiva (militante écologiste et féministe indienne, représentante de la fondation de la recherche pour la science, les technologies et les ressources naturelles), John Christensen (militant et fondateur de Tax Justice Network, le réseau de référence sur la question des systèmes financiers où gravitent économistes, juristes et financiers), Aissatou Diouf (chargée du plaidoyer sur le climat au sein de l’association sénégalaise ENDA et qui fait le lien entre les initiatives des communautés sur le terrain et les consultations au niveau international), Bill McKibben (écologiste représentant 350.org), Lidy Nacpil (coordinatrice de Jubilee South Asia/Pacific, et militante du mouvement sur la dette et le développement aux Philippines), Aurélie Trouvé (ATTAC France) et les membres d’ANV-COP21 qui ont participé à la naissance du mouvement des « Faucheurs de Chaises ».
La question du financement de la transition écologique est cruciale mais les solutions existent et ont été débattues par ces figures de proue de la mobilisation de la société civile. Le financement est le principal enjeu de l’adaptation aux changements climatiques. Il y a une réelle urgence climatique, mais nos représentants et chefs d’états n’agissent pas. Le changement climatique engendre déjà des conséquences dramatiques pour l’environnement, mais aussi pour des millions de personnes, notamment dans les pays du sud. Notre vie sur cette planète est menacée. Pourtant, les représentants des 196 pays présents sur la COP21 sont dans l’incapacité de trouver les 100 milliards de dollars par an nécessaires pour financer la transition écologique. Les citoyens mobilisés de par le monde sur la question du climat savent très bien que pourtant, cet argent existe : nous savons où il se trouve ! Première cible : les paradis fiscaux qui détournent l’argent des recettes fiscales des états et qui financent des activités écocides, criminelles ou terroristes. C’est pourquoi l’idée de l’action de désobéissance civile « Des chaises pour la justice climatique ! » est née. Cette action vise les banques, jugées coupables d’organiser les évasions fiscales,. Elle consiste en un appel à réquisition citoyenne de 196 chaises avant et pendant la COP21 dans différentes banques connues pour leur implication dans des systèmes financiers frauduleux ou des projets écologiquement irresponsables. Le mouvement ANV, Les Amis de la Terre et ATTAC France appellent à multiplier ces actions : « C’est pour poser publiquement ce problème, qui reste trop souvent confiné à des milieux spécialisés, qu’un mouvement symbolique non violent est né au Pays Basque [première action initiée par Bizi !] pour protester contre l’évasion fiscale organisée par la banque HSBC, puis s’est étendu en France, en Belgique et en Suisse, à toutes les banques pratiquant l’évasion fiscale. 196 chaises ont ainsi été réquisitionnées dans les agences de ces banques par les Faucheurs de Chaises, afin de faire le lien entre l’évasion fiscale organisée par de nombreuses banques et le manque de financements pour le climat, notamment les cent milliards de dollars annuels promis dès 2020 aux pays en développement pour financer l’adaptation climatique ».
Par ailleurs, la question de la dette reste d’actualité : il faut alléger cette pression mise sur les budgets publics et mettre fin à la domination des marchés financiers et des banques sur les gouvernements démocratiques. Les transactions financières doivent également être taxées, ainsi que les émissions de CO2 liées aux transports. Les combustibles fossiles ne doivent plus être subventionnés. Il est donc bien question ici de « décarbonner » l’économie en s’attaquant aux systèmes financiers.
John Christensen démontre que l’argent pour financer la transition existe mais qu’il manque simplement la volonté politique :
- 32 000 milliards de dollars de richesses privées échappent à l’impôt ;
- l’évasion fiscale des multinationales coûte aux États 700 milliards de dollars par an ;
- les exemptions de taxes pour les plus grandes entreprises représentent des centaines de milliards de dollars par an ;
- en 2014, les États ont subventionné les énergies fossiles pour 600 milliards de dollars ;
- la pollution due aux énergies fossiles représente 10 millions de dollars par minute ;
- une taxe carbone mondiale pourrait rapporter des centaines de milliards de dollars pour financer une économie d’énergies propres.
Un extrait de l’intervention de John Christensen (en anglais) :
Vandana Shiva nous alerte : nous avons abandonné notre pouvoir aux gouvernants ! Il faut le reprendre ! Elle dit : « Nous pouvons quitter Paris en nous disant : Oh ! Mon dieu ! Ils n’ont rien fait ! Ou nous pouvons quitter Paris et dire : Oh ! Il y a tant de choses que nous pouvons faire ! Nous pouvons être la force créatrice pour résister et pour créer un autre monde.(…) Les gouvernements sont sous le contrôle des marchés privés corrompus (…) et même si les gouvernements ne trouvent pas de solutions, nous, nous sommes obligés d’y arriver, car c’est notre avenir. (…) Nous avons le pouvoir et nous devons reprendre le pouvoir financier en créant, par la solidarité, une force de résistance et de création d’un nouveau monde. »
Un extrait de l’intervention de Vandana Shiva (en anglais) :
La démarche des Faucheurs de Chaises va dans ce sens : soyons tous et toutes des Faucheurs de Chaises !
Cette table ronde a duré deux heures et les débats étaient passionnants. Pendant ce temps, à l’extérieur, dans la cour, les 196 chaises fauchées ont progressivement refait leur apparition. À l’issue de la conférence, une procession s’est organisée pour ramener ces 196 chaises réquisitionnées dans diverses banques d’Europe vers le cœur du Village des Alternatives, place Jean Jaurès, pour un cérémonial « Sommet des Chaises ». C’était là le temps fort de cette deuxième journée du VMA. Une foule incroyable a assisté à cette action revendicative qui dénonçait la responsabilité des banques et des systèmes financiers dans la fraude fiscale qui spolie les citoyens et empêche les peuples de financer la transition écologique de nos sociétés. 196 délégués de la société civile du monde entier, représentant une diversité de cultures et de mouvements engagés dans la lutte contre les dérèglements climatiques, se sont ainsi donnés rendez-vous pour siéger au « Sommet des 196 Chaises » ce dimanche 6 décembre, dans le cadre du Forum Climat à Montreuil. Ils ont successivement lu les demandes de « l’Assemblée des peuples » aux gouvernants : des solutions concrètes et réalisables pour financer la transition sociale et écologique. Le philosophe militant altermondialiste Patrick Viveret a ensuite lu l’Appel à internationaliser les réquisitions citoyennes de chaises :
« C’est dans cet esprit que nous appelons l’ensemble des mouvements citoyens du monde entier à utiliser cette méthode simple, non violente et créative, pour placer au cœur du débat public mondial cette question de l’évasion fiscale et des paradis fiscaux, et obtenir enfin la mise en œuvre effective de décisions plusieurs fois annoncées, mais régulièrement étouffées sous la pression des lobbies financiers. »
La réaction de la foule a été immédiate, dès l’arrivée des chaises sur la place, et tous scandaient « NOUS SOMMES TOUS FAUCHEURS DE CHAISES ! ». Le ressenti était très fort : un élan citoyen d’envergure, une émotion collective intense.
Savourez l’ambiance…
Au total, près de 30 000 personnes ont visité le Village Mondial des Alternative à Montreuil ce week-end. Toutes ces personnes ont investi les espaces, les conférences et les débats de ce Forum Climat, de ce Sommet Citoyen. C’est pour nous tous, militants écologistes mobilisés autour de la COP21, une grande victoire qui nous encourage à persévérer, à continuer d’alerter, de diffuser et d’agir, de manière radicale et déterminée, dans la non-violence. Parce qu’il n’y aura pas de climat de paix sans justice climatique, nous n’avons pas d’autre choix que de nous réapproprier le pouvoir, de nous réapproprier notre monde, de nous réapproprier nos vies. Parce qu’ils ne sont grands que si nous sommes à genoux : CHANGEONS LE SYSTÈME, PAS LE CLIMAT !
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- 9 décembre 2015