Le Camp Climat Sénégal 2019
Juliette et Pierre-Julien, deux militant·es d’Alternatiba et d’ANV-COP21, ont participé au Camp Climat Sénégal 2019. Cet événement a été l’occasion pour les deux de rencontrer les militant·es climat de ce pays, de découvrir une partie du Sénégal ainsi que la Téranga, l’hospitalité typiquement sénégalaise, et de s’immerger pendant quelques semaines dans un pays du Sud déjà clairement impacté par le dérèglement climatique.
Cette année, pour la deuxième fois, le groupe Alternatiba Sénégal a organisé un Camp Climat. L’objectif : sensibiliser plus de 300 personnes au dérèglement climatique, apprendre à s’adapter face aux évolutions du climat et se former à la mobilisation. Pour cela, quoi de mieux que de s’isoler sur une île à 20 minutes de pirogue et 20 minutes de bus de la première route goudronnée ? Au programme, des formations allant de la stratégie à la méthodologie, des ateliers pratiques autour de l’énergie solaire ou de la création de fours économes, des actions locales comme du reboisement et de la plantation de mangrove… tout ça dans une aire marine protégée riche en faune et flore local (phacochères, hérons goliaths, crocodiles, baobabs…). En résumé, un Camp Climat dont le format est similaire aux camps que nous pouvons voir en Europe et beaucoup moins dans son ambiance.
On entend souvent que les Pays du Sud sont les pays les plus impactés par le dérèglement climatique alors qu’ils y contribuent le moins. Qu’en est-il une fois sur place ? Qu’en pensent les habitant·es du Sénégal ? Quels sont les problèmes environnementaux locaux ? Quels sont les impacts déjà visibles ?
En passant 10 jours parmi près de 300 Sénégalais et Sénégalaises, nous avons eu l’occasion de poser ces questions. Montée des eaux, perte de la biodiversité et donc difficulté à se nourrir, pollution de l’air dans les villes, salinisation des terres, désertification, gestion des déchets, pollution de l’air, de l’eau et des sols par les mines et les usines… Les réponses, nombreuses et diverses, fusent. Intéressons-nous à trois d’entre elles que nous avons rencontrées pendant notre séjour.
Gestion des déchets
La gestion des déchets est un problème qui revient très souvent dans les discours des Sénégalais et Sénégalaises. Cela est bien évidemment visible dans les villes et à leurs abords mais également dans les campagnes, notamment le long des routes. Sacs plastiques, gobelets à café, cartons, bouteilles… Difficile parfois de faire un pas sans passer à côté des nombreux déchets qui jonchent le sol. Pour lutter contre cela, Dakar a renforcé ces dernières années ses services de nettoyage, mais cela ne suffit pas. En fait, la mauvaise gestion des déchets ne se résume pas en un problème de moyens ou de personnel. Les comportements individuels sont également en cause. Que cela soit à la ville ou à la campagne, en voiture ou à pied, tout le monde jette ses déchets n’importe où. Dans ce contexte, aborder la notion du tri des déchets n’est pas encore d’actualité pour les militant·es.
Lors du Camp Climat, un concours d’idées a été lancé afin de travailler sur des propositions de projets qui pourraient permettre une meilleure gestion des déchets à Dakar. L’équipe gagnante devrait pouvoir réaliser son projet dans le courant de l’année.
Montée des eaux
Nous avons visité Saint-Louis, ancienne capitale du Sénégal, après la période du Camp Climat. Dans cette ville, la montée des eaux est très nettement visible et même reconnue nationalement et internationalement. En effet, en se promenant en bord de mer, on tombe rapidement sur des maisons qui sont en train de basculer dans l’océan. En questionnant les gens sur ce phénomène, ils et elles nous expliquent que les habitant·es de la côte sont relogé·es progressivement dans d’autres maisons situées à l’intérieur des terres, un comble pour une population qui vit en grande majorité de la pêche. Ces dernières années, déjà plus de 200 familles ont été déplacées, leurs maisons rongées par l’Océan Atlantique. A terme, c’est plus de 10 000 foyers qui devront être relogés, loin de la côte où les pêcheurs et pêcheuses doivent désormais se rendre chaque matin en bus. On apprend aussi rapidement qu’Emmanuel Macron est venu constater l’érosion côtière à Saint-Louis il y a moins d’un an. Au cours de son séjour, le “Champion de la Terre” a promis que la France verserait plusieurs millions d’euros pour la construction d’une digue de rochers censée protéger la ville. Elle ralentira probablement l’érosion des côtes mais ne traitera bien évidemment pas la cause de la montée des eaux. Il semble donc qu’à l’étranger aussi, le gouvernement Macron se contente de pansements et d’une communication verte en se présentant en sauveur – tout en continuant sa politique polluante.
Salinisation des sols
La salinisation des sols est un phénomène visible à l’oeil nu également. Nous l’avons notamment vu lors du voyage en bus vers le lieu du Camp Climat. Certaines portions de route sont en effet entourées de marais salants. Au premier abord, on pourrait dire “Chouette, le Guérande Sénégalais se trouve au milieu d’un désert”. En réalité, en échangeant avec les habitant·es, on se rend vite compte que cela est apparu récemment. L’agriculture n’étant plus possible à cause des terres salées, les populations se sont tournées vers d’autres activités pour survivre. De cette situation est quand-même né un espoir. D’autres régions du Sénégal menacées par la salinisation des sols ont pris conscience de l’importance d’agir sans attendre. Des campagnes de plantations de mangroves, comme celle organisée lors du Camp Climat Sénégal, ont été mises en place pour empêcher le sel de progresser dans les terres. Cependant, le processus de désalinisation est relativement long et le phénomène de prise de conscience et de passage à l’action n’est porté que par une minorité d’associations et d’individus.
En séjournant au Sénégal, nous avons découvert un pays du Sud dont l’environnement continue d’être dégradé et dont les populations sont déjà impactées par le dérèglement climatique. Face à ces catastrophes dès aujourd’hui visibles, le Camp Climat Sénégal propose des solutions : la sensibilisation permet de diffuser les bonnes pratiques, les ateliers assurent l’adaptation immédiate des populations, et les formations donnent à espérer quant aux prochaines mobilisations des populations locales pour lutter pour l’avenir de toute l’humanité.
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Crédits photos : Juliette Caroulle, Pierre-Julien Crovisier
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- 7 novembre 2019