Extrait d’illustration de Kajika Aki
Extrait d’illustration de Kajika Aki

Le 25 septembre : Mobilisons-nous pour les mobilités soutenables !

Le samedi 25 septembre, des vélorutions organisées par Alternatiba/ANV-COP21 auront lieu partout en France. Derrière ces parades de vélos à l’allure festive se cachent des revendications politiques structurelles sur les mobilités pour nos villes et territoires. Comme l’a une nouvelle fois rappelé le rapport du GIEC sorti cet été, il est plus que temps d’agir pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Suivant cet objectif, le secteur des transports se révèle être le levier d’action par excellence : il représente près d’un quart des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales (1) et ne peut être transformé en profondeur que par des politiques publiques ambitieuses en faveur des mobilités durables et un changement de culture qui met fin au tout-voiture. 

 
Vélorution au Pays-Basque

Des centaines de personnes rassemblées pour une vélorution sur le boulevard du BAB au Pays-Basque Nord, le 8 décembre 2019, pour la Journée mondiale du climat.

Les transports, un des premiers secteurs émetteurs de CO2

En France, le secteur des transports est le plus polluant puisqu’il est à l’origine de 31% des émissions de GES. Ce chiffre s’explique essentiellement par notre grande dépendance à la voiture individuelle qui est très polluante en termes d’émissions de CO2 par passager·e et par kilomètre parcouru. Pour réduire la place de la voiture individuelle, il faudrait davantage développer les infrastructures pour les mobilités soutenables. Cela implique aussi de faciliter le fait de combiner plusieurs moyens de transport (train + vélo par exemple). Un tramway par exemple représente l’équivalent de 150 voitures en circulation ! Le train quant à lui transporte 11% des voyageur·ses et 9% des marchandises pour seulement 0,3% des émissions de GES du secteur des transports. Par conséquent, réduire la place de la voiture individuelle au profit de la marche ou du vélo combiné aux transports en commun permettrait de réduire de manière significative nos émissions de GES ! Pour ce faire, l’État et les collectivités territoriales ont une responsabilité à prendre des mesures ambitieuses pour développer, soutenir et appuyer les mobilités les moins émettrices de CO2.

 

Les mobilités, un enjeu de justice sociale

Les populations précaires sont les plus exposées à la pollution de l’air et aux nuisances sonores puisqu’elles vivent souvent à proximité d’importantes infrastructures de transports (grands axes routiers, périphérique, aéroport, autoroute…). Cette exposition a un impact sur la santé des plus exposé·es : la pollution de l’air est responsable de 40 000 décès chaque année selon Santé publique France. La pollution sonore causée par les transports affecte près de 25 % des personnes en France de manière significative, dont 9 millions qui sont exposées à des niveaux critiques pour leur santé. À long terme, ces nuisances sonores peuvent entraîner des troubles du sommeil, de la fatigue, des maux de tête, de l’hypertension artérielle, du stress et un risque accru de maladie cardiaque.

Un autre enjeu de justice sociale lié au transport est l’accessibilité de la mobilité. L’organisation des villes, et notamment des métropoles, fait que les populations précaires habitent dans des quartiers excentrés, plus éloignés des bassins d’emploi et peu desservis par les transports en commun. Le même manque de transports en commun est à constater en zone rurale. Cela cause une dépendance de la voiture individuelle qui représente cependant un coût important pour les ménages précaires. De plus, le déplacement en voiture n’est pas accessible à tout le monde – les personnes handicapées, les personnes âgées, les jeunes peuvent être en difficulté physique ou financière pour se déplacer en voiture. L’incapacité à se déplacer qui résulte de cette situation crée un frein majeur, par exemple dans la recherche d’emploi : près d’un quart des Français déclare avoir déjà renoncé à un travail ou à une formation faute de moyen pour se déplacer. Le taux progresse fortement parmi les populations les plus jeunes et socialement les plus fragiles. Afin de favoriser l’accessibilité pour tous et toutes, il est donc indispensable de développer d’autres moyens de transports que la voiture individuelle.

 

Se réapproprier l’espace public

Faire évoluer nos moyens de transports n’est pas simplement un changement matériel mais aussi une remise en cause de notre modèle de société et de nos modes de vie actuels.

La politique du tout-voiture dirige encore aujourd’hui nos villes et territoires. La voiture et ses infrastructures – routes, panneaux, feux, parking, etc. – occupent ainsi la majeure partie de nos espaces. C’est autant de place qui est interdite d’utilisation aux non-automobilistes. Et pourtant, cyclistes, piétons et autres usager·es des transports décarbonés sont nombreux·ses, surtout en ville. À Paris, par exemple, la voiture occupe 50% de l’espace public alors que les trajets en voiture ne représentent que 13% des déplacements globaux. En limitant la place de la voiture, nous pouvons retrouver de l’espace. La place concédée aujourd’hui aux automobilistes pourrait être demain un espace rempli de biodiversité où l’on pourrait jouer, vivre… occuper tout simplement. Passer à des mobilités actives qui prennent moins de place et sont moins dangereuses – elles créent moins d’accidents et moins d’insécurité – permettent ainsi au plus grand nombre de se réapproprier l’espace public.

 

Reprendre possession de notre temps

Se détourner de la voiture individuelle signifie également changer son rapport au temps. En effet, les véhicules motorisés sont rapides, mais ils n’impliquent pas forcément un gain de temps. Ils accélèrent notre rythme de vie ce qui n’est pas systématiquement synonyme de bien-être : ainsi, les Français passent en moyenne 7h12 par semaine en voiture !  Se tourner vers des modes de transports doux – à vélos, à pied, etc. – demande plus de temps pour faire les choses, mais c’est un gage de moins de stress, d’une meilleure santé physique et d’une meilleure maîtrise du temps. 

Dans leur application, les mobilités actives s’accompagnent d’une refonte de l’aménagement de nos territoires. Selon les espaces et les spécificités, l’enjeu peut être de de rapprocher ses différentes fonctions – logement, travail, loisirs, commerces – qui ont longtemps été séparées et cloisonnées, afin de diminuer le temps de trajet. Des concepts d’organisation urbaine sont déjà à l’œuvre comme la ville des 15 minutes. Elle consiste en une ville où les habitant·es « ont accès à la plupart de leurs destinations de travail, de magasinage, de soins, d’éducation et de loisir en moins d’un quart d’heure de marche ou de vélo ». [1] Cette organisation des centres urbains offre la perspective d’une meilleure qualité de vie où les travailleur.ses n’auraient plus à passer 2 heures dans les transports pour aller au boulot. Sortir du tout voiture et réduire les temps de trajet c’est certes économiser en temps mais aussi en essence qui représente entre 900 et 1100 euros chaque année pour les ménages. 

 

Devenir acteur·rice du changement

Pour voir advenir ces changements, la société civile s’organise. Elle s’empare pleinement de son rôle de sujet politique pour créer et façonner l’espace dans lequel elle souhaite vivre. Dans le Pays Basque Nord par exemple, les militant·es du mouvement altermondialiste Bizi! luttent pour adapter leur territoire aux mobilités douces et en finir avec le tout-voiture. 

L’exemple d’activisme du groupe local de Bayonne en matière de mobilités

Sur la côte basque, le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre est la mobilité, et sur l’ensemble du Pays-Basque Nord il est le second. C’est pourquoi, Bizi! travaille sur deux leviers : d’une part, en mettant la pression sur les pouvoirs publics pour qu’iels s’engagent politiquement afin d’orienter les infrastructures et la gestion de l’espace en faveur des mobilités soutenables. D’autre part, Bizi! réalise des campagnes pédagogiques pour agir sur les comportements des usager·es en termes de mobilité, et ainsi de participer au développement d’une culture soutenable de la mobilité (3). Dans la fiche de route de Bizi! en 2020, le mouvement agit pour que tout aménagement de voirie au sein des politiques locales favorise d’abord la marche, le vélo puis le bus et la voiture. Le but est de rendre cyclable l’ensemble des routes de chaque commune avec un aménagement adapté (réduction de la vitesse, aménagements de pistes et bandes cyclables…). 

 

Créer un rapport de force pour peser dans les décisions des acteur·ices public·ques

En 2020, le groupe local du Pays-Basque Nord a réalisé plusieurs actions en matière de transports. 

Le 19 février 2020, plusieurs activistes de l’association Bizi! ont organisé deux actions à la mairie de Biarritz pour demander plus de sécurité en vélo dans la ville. La première consistait à mettre en scène un accident de vélo sur une avenue accidentogène où la mairie avait promis un aménagement cyclable. Pour la deuxième action, les militant·es sont entré·es dans la Mairie de Biarritz sur de petits vélos et ont roulé autour du poste d’accueil en scandant “À Biarritz, il n’y a qu’ici qu’on roule en sécurité !”. Cette action a attiré l’attention du Maire qui a tenté de repousser les activistes en disant que “tout allait bien à Biarritz !”. En réalisant ces actions, Bizi voulait ainsi revenir sur le manque d’aménagements cyclables sécurisés dans la ville. La Déclaration d’Utilité Publique (DUP) soumise à enquête publique prévoyait une piste cyclable sécurisée à la place d’une des deux voies. Pourtant, la route a été refaite sans prévoir cet aménagement.

Le 15 décembre 2020, une action de désobéissance civile a été effectuée au centre de Biarritz pour exiger le respect de la loi L228-2 du Code de l’environnement. Cette dernière prévoit que pour toute modification d’aménagement de la voie publique, un aménagement cyclable doit être mis en place. Cette loi est très peu connue et donc très peu respectée. La mairie de Biarritz ne respectant pas cette loi, 21 activistes pro-climat ont décidé de peindre sur la route « Respect de la loi ! La rénovation de l’avenue Kennedy doit respecter l’article 228-2 du Code de l’environnement ! ». La rue faisait en effet l’objet de travaux de rénovation mais ne prévoyait aucun aménagement cyclable. Cette action a permis de rappeler à la Mairie de Biarritz l’illégalité de leur politique d’aménagement et de la nécessité à respecter une loi d’intérêt général. Pour Txetx Etcheverry, l’enjeu de l’application L228-2 est de taille : « il s’agit en généralisant peu à peu la mise en place d’aménagements cyclables à l’occasion des réalisations ou rénovations des voies urbaines de permettre aux habitants de se déplacer chaque fois que c’est possible sans leur voiture et de manière sécurisée. Ils peuvent ainsi contribuer à la réduction de ce poste important d’émissions de gaz à effet de serre qu’est le transport routier en Pays Basque, et à la préservation de la santé de leurs concitoyens, sans pour autant risquer leur propre vie ou leur intégrité physique”. 

 

Action de Bizi! à Biarritz, le 15 décembre 2020.
 

Rejoins-nous !

Tu te sens impuissant·e face à l’ampleur du défi du dérèglement climatique ? Tu veux agir à ton niveau, sur et pour ton territoire ? Alors rejoins un de nos groupes locaux qui agit au quotidien pour changer nos modes de transports pour qu’ils soient plus respectueux du climat et plus accessibles à tous et à toutes [carto]. N’hésites pas aussi à nous rejoindre le 25 septembre partout en France en participant à une Vélorution à côté de chez toi [carto]. L’occasion de faire entendre nos revendications dans une ambiance festive ! 

 

À propos de la Loi L228-2 du Code de l’environnement“À l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements prenant la forme de pistes, de bandes cyclables, de voies vertes, de zones de rencontre ou, pour les chaussées à sens unique à une seule file, de marquages au sol, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. Lorsque la réalisation ou la rénovation de voie vise à créer une voie en site propre destinée aux transports collectifs et que l’emprise disponible est insuffisante pour permettre de réaliser ces aménagements, l’obligation de mettre au point un itinéraire cyclable peut être satisfaite en autorisant les cyclistes à emprunter cette voie, sous réserve que sa largeur permette le dépassement d’un cycliste dans les conditions normales de sécurité prévues au code de la route.Le type d’aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de mobilité, lorsqu’il existe.”

 

Sources :

  1. Site du Ministère de la transition écologique, chiffres clés du climat 2021, répartition sectorielle des émissions de CO2 dans le monde https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat/7-repartition-sectorielle-des-emissions-de
  2. Site Facebook, page de Bizi!, Changer la mobilité, 27 décembre 2020 https://www.facebook.com/bizimugimendua/photos/a.877013342351122/3751955874856840 
  3. Site de Bizi!, 2 actions dans la même matinée pour demander plus de sécurité en vélo à Biarritz !, 19 février 2020 https://bizimugi.eu/2-actions-dans-la-meme-matinee-pour-demander-plus-de-securite-en-velo-a-biarritz  
  4. Site de Bizi! Désobéissance civique pour faire appliquer la loi .. Bizi! exige le respect du Code de l’environnement, 15 décembre 2020 https://bizimugi.eu/desobeissance-civique-pour-faire-appliquer-la-loi-bizi-exige-le-respect-du-code-de-lenvironnement

 

 

  • 15 septembre 2021