Introduction à l’écoféminisme
Les liens entre le dérèglement climatique et les femmes sont souvent ignorés ou inconnus. Pourtant, le mouvement climat dans son ensemble doit tenir compte de la spécificité des liens entre écologie et féminisme. En cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, zoom sur l’écoféminisme, ou comment les femmes sont les premières impactées par les catastrophes naturelles et se mobilisent pour le climat.
Un système qui se nourrit par les oppressions
Pour certain·e·s théoricien·ne·s de l’écoféminisme, le système politique et économique actuel se maintient grâce à plusieurs oppressions : le patriarcat qui repose sur la domination des femmes, et le capitalisme qui se nourrit de l’exploitation irresponsable des ressources naturelles. Pour Vandana Shiva, ce système fonctionne aussi grâce au colonialisme [1]. Autrement dit, les mécanismes globalisés qui permettent le maintien du déséquilibre mondial actuel sont fondés sur l’exploitation de la nature et la domination des femmes, particulièrement si elles sont racisées.
D’après ces auteur·e·s, la lutte écologiste ne peut être que féministe et inversement puisque l’une et l’autre ont le même adversaire [2].
Les femmes : premières impactées…
Et cela se manifeste sur le terrain : les femmes sont plus vulnérables que les hommes au dérèglement climatique, et ce particulièrement dans les pays du Sud où l’augmentation de la température moyenne de la Terre entraîne déjà un bouleversement de la vie quotidienne, notamment à cause des baisses de rendements agricoles. Or les femmes produisent 60% à 80% de l’alimentation mondiale tout en ne possédant que 10% à 20% des titres fonciers [3]. Elles sont donc en première ligne du réchauffement climatique du fait de la menace directe qu’il représente sur leurs moyens de subsistance.
Cette spécificité ne se cantonne pas aux pays du Sud. En 2006, à la suite du passage de l’ouragan Katrina aux États-Unis, les revenus des femmes ont baissé de 7% tandis que les revenus des hommes ont augmenté de 23%. Cela s’explique par la division genrée du travail, car les hommes travaillent davantage que les femmes dans les métiers de construction, mais surtout par la situation de précarité voire de pauvreté dans laquelle se trouvaient les femmes représentant une part importante des ménages monoparentaux, aux faibles ressources économiques et à la mobilité moins aisée [4].
Cette situation de grande précarité voire de pauvreté des femmes est similaire en France puisque 82% des familles monoparentales sont constituées d’une femme seule avec des enfants et que 44 % des femmes inactives et 15% des femmes actives à la tête d’une famille monoparentale sont pauvres [5]. Comme l’explique l’Observatoire des inégalités, les femmes restent souvent « victimes de bas salaires, de temps partiels contraints, morcelés et peu rémunérés, et vivent sous le seuil de pauvreté ». À cela s’ajoute le travail du care, c’est-à-dire les tâches non-rémunérées qui reviennent aux femmes comme le soin des enfants, des personnes âgées, des personnes malades etc. et qui leur ajoute une charge de travail et une “charge mentale” racontée avec un réalisme cru dans la fameuse bande dessinée d’Emma qui a fait le tour du monde. Dans ces conditions, quelle est la place pour la résilience face au dérèglement climatique ?
Les femmes : Premières mobilisées
Premières impactées et donc premières mobilisées ! Les femmes de tous lieux et de tous pays se mobilisent pour dénoncer le système actuel et déployer de nouvelles manières de vivre, à la rencontre de deux luttes progressistes : l’écologie et le féminisme. Du mouvement de la ceinture verte au Kenya (Green Belt) de Wangari Muta Maathai à Vandana Shiva et le groupe Chipko, du Pink Bloc à Ende Gelände aux États-uniennes luttant contre les armes nucléaires et les dépôts toxiques dans les années 1970 [6], les femmes sont actrices du changement radical que doit prendre le monde. Elles sont porteuses de solutions.
Face à l’urgence climatique et sociale actuelle et aux inégalités hommes-femmes inscrites dans le monde depuis des millénaires, la lutte pour faire émerger des sociétés soutenables écologiquement et juste socialement ne se réalisera pas sans y intégrer une vision féministe [7].
Sources sur l’écoféminisme :
[1] Réseau québécois des groupes écologistes, UQAM Service aux collectivités, Relais Femmes, Réseau Femmes Environnement, « Analyses écoféministes des changements climatiques », L’intégration de la dimension de genre dans la lutte et l’adaptation aux changements climatiques au Québec
[2] Entretien avec Emilie Hache, “Emilie Hache : « Pour les écoféministes, destruction de la nature et oppression devonsls femmes sont liées »”, Reporterre, 18 octobre 2016
[3] Toutain Ghislaine, Femmes et climat, victimes et actrices, 2015
[4] Idem
[5] Observatoire des inégalités, “Famille monoparentale rime souvent avec pauvreté”, Inégalités.fr
[6] Entretien avec Émilie Hache et Isabelle Cambourakis, “(Re)découvrir l’écoféminisme”, Contretemps
[7] Nous entendons le féminisme comme la lutte pour l’égalité des chances, des droits, et des opportunités entre les femmes et les hommes.
Articles similaires
- Un mois d’alternatives et de résistance ! par Alternatiba
- Après le soulagement des résultats des élections législatives, ne relâchons pas nos efforts pour faire reculer l’extrême droite : un autre monde est possible ! par Alternatiba
- Petit Guide des lois que personne (ou presque) ne respecte et pourtant ce serait mieux par Alternatiba
- Mi-mandat municipales : on fait le bilan ! par Alternatiba
- Législatives : au-delà des urnes, la mobilisation continue par Alternatiba
- 8 mars 2019